mardi 3 septembre 2013

Véronique Martel : éloge d'une première rencontre

Cet article est le troisième de la série "Manger local: de l'assiette à la table"

--

Lorsque je suis arrivée aux Ateliers du Trois Cinquième, Véronique Martel m’y a accueillie avec fierté, et pour cause : elle avait abattu beaucoup de travail dans les jours précédant ma visite. En plus de préparer sa première exposition individuelle qui aura lieu en novembre à la Galerie Ni VuNi Cornu, elle avait presque complété le tournage et le façonnage d’une nouvelle commande pour le Canard Goulu qui ouvrira une seconde succursale à Québec plus tard en septembre.

Véronique Martel dans son espace aux Ateliers du Trois Cinquième, entourée
de ses productions en cours de réalisation.

Un autre motif de fierté - tacite, celui-là - s’ajoutait aux deux premiers : Véronique et moi sommes amies et à ce titre, emballées à l'idée d’avoir une opportunité de collaborer pour la première fois.

Même si je connaissais bien son parcours, nous avons convenu que j'allais lui poser des questions sérieusement. Elle a acquiescé avec grâce à ma demande d’évoquer comment elle en était venue à sa carrière de céramiste.

« J’avais considéré la céramique avant de rentrer à l’université. En voyant des piles et des piles d’assiettes artisanales, je me suis dit que je ne parviendrais jamais à travailler là-dedans. Je me disais que je n’étais pas une petite usine! », a-t-elle ajouté en éclatant de rire.

La petite histoire a surpris Véronique au détour du chemin. Lorsqu’elle a quitté l’université avec un diplôme en Arts visuels en poche, l’attrait pour la céramique a refait surface.

« J’ai réalisé que la formation en céramique proposait non seulement de solides bases pour créer des pièces utilitaires, mais aussi, des pièces d’expression, des œuvres d’art. »

Forte de ce constat, Véronique s’est lancée dans son diplôme technique au Cégep Limoilou / Maison des métiers d'art de Québec avec la détermination de celle qui sait qu’elle a de grands rêves à atteindre. Très vite, sa maîtrise du tournage a été remarquée, et elle s'est distinguée par l’exploration de techniques pointues comme la méthode ancestrale de l’enfumage, qui consiste à tatouer la surface de pièces déjà cuites à l’aide de fumée de bois.

 « Quand on parle de céramique utilitaire, on réfère à de la vaisselle dans 95% des cas. Comme les techniques que j’utilise prennent beaucoup de temps à exécuter, je devais concevoir des produits qui s'inscrire, de par leur fonction et leur qualité, dans la sphère des objets haut-de-gamme.»

C’est en suivant le fil de cette réflexion que Véronique Martel a eu l’idée de réaliser des urnes funéraires en céramique enfumée. Le haut degré de technicité exigé pour exécuter des urnes conformes aux normes de l’industrie et la symbolique forte de l’enfumage lui ont permis de sécuriser un marché en croissance. 

Ces urnes funéraires ont été tournées, mais elles devront encore
être colorées, cuites et enfumées!

Urne "Pillango" d'une contenance de 200 pouces cubes.

Urne "Bakea" qui permet de contempler l'effet de l'enfumage.

Afin de s’épauler dans la réalisation de son plan d’affaires pour son projet "Poteries d'Artel", la jeune femme a frappé aux portes du CLD et du Fonds d’emprunt économique communautaire de Québec, où j’ai eu le bonheur de faire sa connaissance.

« J’ai trouvé ça parfois difficile de devoir documenter le marché des décès, parce qu’on n’aime pas trop l’idée que sa croissance soit liée au malheur des autres, mais il est aussi possible de voir les choses différemment. Je crois que mes urnes interviennent de façon significative dans le processus de deuil et de commémoration, que ce soit pour les personnes toujours en vie au moment de l’achat ou des proches qui souhaitent honorer le décès d’un être cher. Je ne peux qu’être émue d’aider avec mon art.»

En plus de baliser le développement de produits cinéraires, le plan d’affaires de Véronique Martel prévoyait également la commercialisation de deux autres gammes de produits: décoratifs (comme ses plateaux, ses vases et ses grands bols qui font partie du catalogue du Service du Protocole de la Ville de Québec, une sorte de banque d'idées-cadeaux pour dignitaires étrangers) et sculpturaux (on parle ici davantage de pièces « expressives » en plus grand format, celles qu’on retrouverait dans les galeries et les musées.)

Coffres de Véronique Martel, un trésor pour recueillir des trésors

Cette pièce intitulée "Élans -Sumos" compte parmi les œuvres
sculpturales de Véronique Martel. 

À ces trois familles de produits, la céramiste a ajouté d’autres cordes à son arc : enseignement en céramique à la Maison des métiers d'art de Québec, cours privés pour les curieux, fonctions de porte-parole pour des événements en céramique ou de juge pour le Concours international de sculpture sur neige.... sans oublier les commandes spéciales, bien entendu. Savonniers, pieds de lampe " lapin" en collaboration avec la designer Paule Dionne, trophées pour pharmaciens, terrines à foie gras et casserole en faïence, Véronique n'a eu de cesse de démontrer que l'objet utilitaire en céramique artisanale pouvait avoir de multiples visages depuis le lancement de son entreprise.

Terrines à foie gras façonnées et en train de sécher en attendant la cuisson.

Cassoles commandées par le Canard Goulu en cours de réalisation!

Bien que cet avertissement ne me vise pas en particulier, je le prends personnel.
Le moment est bien mal choisi pour jouer l'éléphant dans un magasin de porcelaine!

Grâce à une bourse de Première Ovation, Véronique Martel m'a expliqué qu'elle travaillait désormais à concrétiser sa première exposition solo, une étape importante de sa carrière d’artiste qu’elle aborde avec un juste mélange d’excitation et d’incertitude. S’inspirant de ses premiers voyages internationaux et des surprises qu’ils suscitent, elle a choisi le thème « Éloge d'une première rencontre. »

Bien qu’en ayant d’abord anticipé traiter de la rencontre avec l’autre et des mécanismes de protection qui y président, Véronique m'a semblé réaliser peu à peu qu’elle avait rendez-vous avec elle-même et la part d’inconnu dans sa propre démarche artistique.

« C’est la première fois depuis que je suis arrivée sur le marché du travail que je crée professionnellement une série d’œuvres qui ne dépendent que de mon inspiration : pas tailles standardisées, pas de volumes définis, pas de directives de la part de clients... J’ai décidé de travailler sans enfumage avec une palette de couleurs très pop, complètement nouvelle pour moi. Je crois que j’ai un peu peur. »

Sur ces confidences, j'ai jeté un coup d'oeil à ma montre. L'entrevue tirait déjà à sa fin! J'ai eu l'impression qu'une des créations de Véronique, une vache-clôture, me reluquait doucement de ses grands yeux calmes. Je me souviens avoir éprouvé la certitude que la première exposition solo de la jeune femme allait être exceptionnelle. Lorsqu’on se donne rendez-vous à soi-même, on se trouve toujours en chemin.


Voici un petit aperçu de l'un des éléments de la future exposition solo de Véronique

Face à face avec l'une des vaches-clôtures en vedette très prochainement
dans une galerie d'art pas trop loin de Québec!

Pour ma part, je vous donne rendez-vous dès le 5 septembre pour découvrir la recette que j'ai développée pour la terrine à foie gras commandée par le Canard Goulu et réalisée par Véronique!

Si vous avez aimé ce billet, vous aimerez certainement le prochain! Pourquoi ne pas vous abonner à ma page Facebook ou à mon compte Twitter? Au plaisir de vous y retrouver et d'échanger avec vous!

Aucun commentaire:

Publier un commentaire